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22 octobre 2012 1 22 /10 /octobre /2012 22:29

 

Il connaissait mon petit “commerce” sur les sites d’holo-présence.
 
Je ne m’étais jamais résolue à vendre mon corps, physique ou virtuel, et je m’étais rabattue sur toutes les possibilités de monnayer une compagnie platonique. Entre toutes, c’était le columbarium qui rapportait le plus avec le moins de risques de désirs sexuels.
 
Je me promenais dans les allées virtuelles en observant les prénoms et les dates de naissance et de décès inscrites sur les “dernières demeures” les plus souvent décorées. Lorsque qu’il s’agissait d’une défunte d’à-peu-près à mon âge, j’observais alors les allées et venues de ses visiteurs. Puis je sélectionnais un homme seul et provoquais une “rencontre fortuite” au hasard d’un croisement. Je lui disais que je venais de perdre quelqu’un qui, comme par hasard, avait sensiblement le même âge que lui et le même lien de parenté qu’il avait avec la disparue.
Le plus souvent la discussion se poursuivait au chatholo où nous nous retrouvions par la suite régulièrement. Une des difficultés de cette activité était de bien gérer les rencontres... Les hommes sont si possessifs !

Il suffisait que je lui parle de Papymeal, du rendez-vous et du message pour qu’il comprenne la situation.

Il sortit son smarty, un modèle que je ne connaissais pas, un sept pouces il me semblait, pratique pour l’avoir toujours sur soi, à la coque banale mais plus épaisse que la normale. Il tapota à sa surface, fit des gestes, des “hum !”, re-tapotage et re-des-gestes.

“bon...”  Il plaça l’appareil à la verticale, ses doigts aux endroits appropriés, et tira de ses deux mains, à gauche et à droite, sur le smarty qui tripla de largeur. il le posa devant lui, sur un petit rebord. Des touches à résistance pulsée flottaient au dessus de sa surface, le transformant en un véritable clavier physique. Un large affichage était projeté à vingt centimètres du clavier.

J’observais de nombreuses petites fenêtres où défilaient des codes, des adresses, des noms, des nombres, trois fenêtres principales avec lesquelles il jonglait et qui lui servaient pour ses explorations.

- Bien bien...
- Alors ? -  dis-je, un peu perplexe.
- Une bonne nouvelle. Et une... moins bonne.
- Oui ?...
- La bonne, c’est que Papymeal se connecte depuis un point fixe unique et non détourné. Il s’appelle Georges Brun et habite au 32 rue de l’Effort... qui se trouve pas très loin du café Riverside.
- Cool !
- La “moins bonne”, c’est que je ne trouve pas de trace du message dont tu m’as parlé. Nulle part. Ni dans tes effacés, ni dans les archives de ton hébergeur.

Je le regardais, très surprise.

- Qu’est-ce que ça veut dire ?
- Ça veut dire que ta mémoire ou ton imagination te joue des tours, ou alors...
- Ou alors ?
- … que nous avons affaire à une fine lame...

Cette dernière phrase avait eu du mal à sortir.

- Qu’est-ce que tu en penses ?
- Mmm... Je pense que les deux sont très possibles (il évita mon regard)
Mais le risque d’un piège est à prendre au sérieux... Pour dix malheureux dollars, c’est prendre beaucoup de risque inutilement.

Je le pris par la main et le forçais à me regarder :
- Tu sais que ça n’est plus une question d’argent ! Je dois y aller... J’en ai... la conviction ! Je dois savoir !

Il marmona :
- Toi et tes convictions...
- Quoi ?
- Tu as raison : Suis tes convictions... Mais laisse-moi te surveiller.

Je lui souris :
- J’espérais que tu me dises ça !

Il me rendit un bref sourire. Je me levais :
- Bien... Je retourne chez moi... pour me changer et... Je pense dicter un MEP à Alice et Aurore (mail à expédition programmée) qui sera envoyé ce soir si je ne l’annule pas avant... Pour qu’elles connaissent mon histoire si... il m’arrivait malheur... Et je prendrai mon smarty pour qu’on puisse se contacter.
- Non...
- Comment “Non” ?
- Tu retournes chez toi pour te changer, mais ton message à tes amies, tu vas l’envoyer d’ici... Et je vais te donner ce qu’il faut pour rester en contact.
- Bon... Si tu veux !... Pour quelqu’un qui ne veut pas voir de smarty ici, tu es drôlement équipé !
- Ça n’a rien à voir... Nous avons notre propre réseau...

Je n’en revenais pas :
- Votre propre réseau ? Comme l’opérateur national ?
- Ça fait partie des secrets que je ne peux pas te détailler... Si tu parlais ce serait dramatique !
- Et si quelqu’un de ta bande parlait ?
- Il ne parleront pas
- Comment peux-tu en être aussi sûr ?
- Parce qu’ils préféreront s’effacer la mémoire plutôt que de trahir un secret aussi sensible.

J’étais abasourdie.
- Vous pouvez vous effacer la mémoire ?
La bouche ouverte, les yeux écarquillés plongés dans ceux d’Esteban, ma question suivante affichait sur mon visage, il n’était pas besoin de parler.

Il se mordit les lèvres mais ne paraissait pas vraiment regretter sa dernière phrase. Lui aussi m’observait. Il semblait espérer une réaction particulière... Il finit par dire :
- Non... nous n’avons pas effacé ta mémoire.
- Qui alors ?
- Personne...

Nous nous regardâmes intensément et nous interrogions sans un mot.
Une alerte retentit sur son smarty. Il le replia et me le montra :
- Tu dois retourner sur le banc, tu es bientôt de retour.

En effet, je me voyais atteindre le carrefour précédant celui du tube, sur le niveau 1.
- Jolie RAI ! (Réalité Augmentée Inversée). Vous avez fait des progrès : je suis plus belle qu’en vrai ! Et ma coupe ! et mon T-shirt ! Ils sont tout nouveaux ! vous les avez synthétisés en instantané ?

Il sourit :
- C’est pas c’qu’y a de plus dur... Rien que sur ce petit trajet il y a eu vingt nouvelles caméras de surveillance depuis ton dernier passage, il y a trois mois... soit quatre-vingt-quinze scènes de RAI à générer en simultané ! (grand sourire)
Si on te pose la question, tu as remonté la rue Graham, poursuivi sur la rue Régent en passant par le square, tu es restée dix minutes devant la boutique de Chez Médina et tu es revenue ici par les rues Besancenot et Dutilleul.

Nous nous assîmes sur le banc. Il me confia un tout petit smarty de rien du tout, en me disant :
- Avant d’entrer dans le café, tu l’allumes comme ceci... Nous aurons ta position et pourrons suivre votre conversation. Si tu veux un peu d’intimité, il te suffit de toucher l’écran ou de le poser vers le bas. Si tu penses que tout va bien, tu peux l’éteindre comme ceci... Mais je te conseille de le laisser allumé !

Je l’allumai :
- C’est quoi cette lettre “A” à côté de la force de réception ?
- C’est le nom du réseau.

Je n’en demandais pas plus. J’avais juste le temps de dicter mon MEP sur son super-smarty :

“Chère Alice et chère Aurore, si vous recevez ce message...


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commentaires

Z
<br /> Pourquoi Quater et Quinquies ? <br />
Répondre
L
<br /> <br /> Coucou Zlowa !<br /> <br /> <br /> Pasque ceci : http://fr.wikipedia.org/wiki/Adverbe_multiplicatif<br /> <br /> <br /> Merci pour ta visite !<br /> <br /> <br /> <br />