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17 octobre 2012 3 17 /10 /octobre /2012 23:17

 

Je la suivais.
 
Même à l’époque où je venais tous les jours, il était rare de le retrouver trois fois de suite au même endroit. C’était, pour lui (et pour sa bande), un principe philosophique : rien n’est à soi, tout est à tous. Et cela commençait par l’endroit où l’on se couche.
 
La puissance et l’étendue du réseau permettaient de n’utiliser qu’une minuscule unité portable pour n’importe quel type de besoin informatique, du consultant lambda jusqu’au hacker, en passant par le professionnel et le joueur. Les applications et les données hébergées, traitées par les hyperprocesseurs, avaient depuis longtemps disparu des machines personnelles.
Sur la passerelle, quatre bornes de recharge sans contact permettaient de se s’affranchir totalement des contraintes d’emplacement physique.

Elle me conduisit jusqu’à un renfoncement sous une avancée de végétation en surélévation. Un rideau-clim avait été ajouté pour offrir un minimum d’intimité et un “climat” supportable à l’occupant du renfoncement.

Esteban écarta le rideau et m’apparut, les vêtement, le visage et les cheveux froissés. Il avait sans doute dormi tout habillé et on venait de le réveiller pour lui annoncer ma venue. Les yeux cernés et plissés, il ouvrit les bras : “Petite fleur ! Tu es bien matinale !”

Rapidement, il m’avait appelée “petite fleur” - “pourquoi ‘petite fleur’ ?” - “parce que tu es belle comme une fleur !”. Mais, bizarrement, je comprenais “petite soeur”... Je mettais ça sur le compte de ma mémoire perdue qui me privait des souvenirs de ma véritable famille. Je voyais un frère, une soeur, un père, une mère, dès que quelqu’un m’offrait sa confiance.

“Un café ?” Me dit-il, le sourire au lèvre et l’oeil (plissé) brillant.
“Volontiers !” Dis-je, après avoir hésité trois secondes.

Il n’avait visiblement pas encore récupéré toutes ses pensées des profondeurs de son sommeil : son plaisir de me revoir, qui, à l’accoutumée, s’éteignait pour laisser la place à une mine sévère perdue dans je ne sais quels souvenirs douloureux, restait, cette fois-ci, bien affiché lorsqu’il fit le service : deux verres en quartz auto-chauffants dans lesquels il souffla et qu’il frotta dans ses mains, de l’eau d’entre-deux conservée dans une bouteille filtrante, et un cachet pour chacun.

Il me tendit un café encore pétillant : “Alors, dis-moi, qu’est-ce qui t’amène si tôt ?”
Ses yeux étaient toujours mouillés d’émotion (ou de sommeil ?) et son sourire ne le quittait pas.

“C’est très personnel...”

Il fit un signe aux gens de sa bande qui avaient commencé à se réunir autour de nous en conservant une distance “d’attente”, un verre de quartz chaud à la main. Ils s’en retournèrent immédiatement à leurs occupations.

- Est-ce que tu m’as envoyé un email sans expéditeur hier soir ?
- Oh non ! Je ne t’ai rien envoyé ! Tu connais bien nos règles ?
- Oui, je sais que ça ne peux pas être toi... Mais je devais poser la question pour en être complètement sûre... Parce que c’est trop grave !

Son visage s’assombrit : “Dis moi tout...”


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