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20 septembre 2012 4 20 /09 /septembre /2012 09:14

 

Elle était sombre.
Ses murs gris noirs
sentaient la craie d’ardoise.
Le grand portail bavait aux vents,
lentement, et grinçait
comme des dents sur un tableau.
 
Mes pieds s’enfonçaient
dans un sol polystyrène
dont les blocs se détachaient
et frifrottaient frrrr, frrrr...
 
Le chemin du parc de la citadelle
était bordé d’arbres décharnés
au bois noir
et aux feuilles de coton.

Une touffe faufila
dans zun ongle fendu
et z'éffila
tandis que je zirais dessus.

C’était horrible !

Nous arrivâmes sur les marches
d'un escalier sournois,
un coup à l'endroit,
un coup à l'envers...

"attendez !" Me dit l'inspecteur,
"Vous ne pouvez pas emprunter
cet escalier toute seule !"

- Vous n’allez pas me dire
qu'il est à taux variables ?

- Mais non ! Pas du tout !
Vous êtes folle ?
Ne voyez-vous pas que
vous allez vous retrouver
à l'endroit d'un côté
et à l'envers de l'autre ?

- Et à deux ça va mieux ?

- Bien sur ! Regardez :
Vous me prenez la main
Et nous montons,
Vous à l'endroit,
Moi à l'envers.

À moins que vous ne préfériez l'envers ?

“Non non, l'endroit me va très bien.”

Moi dessus, lui dessous,
nous gravîmes l'escalier.

- et le... euh... procès verbal,
comment va-t'il faire ?

- Le déhèfka ?
il reste dehors...
Les animaux ne sont pas admis à l'intérieur de l'enceinte.
Elle est devenue beaucoup moins tolérante.

- Qui ça ?

- L'enceinte.

- et pour les vers ?

“Oh, pour eux pas de problème !
Ils sont assimilés menottes.
Dans la citadelle ils se taisent
et brillent comme des objets stupides.”

Tige se renfrogna et mit ses mains dans ses poches.
Anda ouvrit une grande bouche.
On sentait qu'il allait dire quelque chose

mais l'inspecteur le pinça
entre le pouce et l'index.
Il lui fit des yeux tout ronds
et répéta, d'une voix grave et autoritaire :

"Ils se taisent !"


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15 septembre 2012 6 15 /09 /septembre /2012 23:40

 

Sur l’horizon de mer en face de moi, entre deux palmiers nonchalants, la liste des messages s’affichait.
Treize nouveaux depuis la dernière consultation smarty, auxquels il fallait ajouter les messages de la journée dont je n’avais fait que consulter les intitulés.
Je repérais rapidement mes “clients” du columbarium et commençais par visionner les messages auxquels je n’allais pas répondre - parce que j’avais prévu de rencontrer leurs auteurs ce soir en holovision -
Il était important de connaître leurs dernières paroles avant de les retrouver.
 
Les messages holographiques s’affichaient en vidéos plates : Tous les murs, cloisons, portes et fenêtres avaient beau être, à la fabrication,  imprimés de molécules électrochromiques, permettant de se servir de n’importe quelle surface comme d’un écran, l’équipement d’appliques holoview n’était pas compris dans l’installation standard des salles de bain du zéro.
 

+ PIERREP33 :
Désolé, je ne viendrai pas ce soir

… Toujours aussi bref Pierre ! Il ne viendra pas. C’est bon à savoir.

+ MAROUSKAN :
A ce soir Angie, j’ai hâte de te revoir !

… Il est gentil. Je l’aime bien.

+ ERASTINO :
Angelina Bella

Ange miséricordieux
Assèche mes larmes,
Calme mon âme,
Apaise mes yeux.

à bientôt !

… A ce soir Erastino... Je lui avais dit que j’aimais la poésie et, depuis, il ne se passait pas un jour sans qu’il me déclame un petit poème. C’était parfois embarrassant et je ne savais pas bien quoi penser de tout ça, ni s’il fallait lui dire d’arrêter ?

+ LIONELVAL :
Angelina, j’espère que tu passeras comme prévu. Je te montrerai les holos de ma fille dont je t’ai parlés.

… Oui je me souvenais... Les derniers repas de famille et les promenades au lac qui s’en suivaient... Avant ce terrible accident... Pauvre Lionel. C’était un brave type. Il aurait pu être mon père...

… Mon père...
J’en avais que très peu de souvenirs, tout comme de ma mère ! Une vague image de leur visage, tout juste une émotion, une sensation d’amour passée mais encore poignante. J’ignorais presque tout d’eux. Je ne savais pas où les trouver ni s’ils étaient encore vivants.
Je m’étais réveillée il y a trois ans dans un lit d'hôpital, amnésique, vide comme une cruche cassée, Alice assise à mes côtés.
Elle m’avait raconté qu’elle m’avait trouvée, une nuit, évanouie au bas de son immeuble. Elle avait appelé les urgences et m’y avait accompagnée.
On fit des recherches dans les bases du réseau pour retrouver mon identité, mais c’était inutile, au premier contact des scanners médicaux le réseau aurait du me reconnaître : j’étais une inconnue.
En trois ans, la mère d’Alice devint, pour moi, comme une mère adoptive, et ses amis : mes amis. Je me remplissais de nouveaux souvenirs. Les anciens, parfois, me revenaient par bribes. Je me rappelais : j’avais un frère et une soeur, je m’appelais Sian. Un visage terrifiant se plantait régulièrement au milieu de ma mémoire. Ça ressemblait plus à un masque, à une forme blanche et floue, sans yeux, sans nez, sans bouche : sans expression, mais c’était pourtant bien l’effroi que je ressentais en sa présence.
Je me remplissais sans savoir si ces souvenirs anciens étaient vraiment anciens ni s’ils m’appartenaient. Peut-être récoltais-je le souvenir d’évènements futurs ? peut-être était-ce la mémoire de ces corps que j’habitais pendant mes “voyages” ?

Aurore voyait dans ces mystères des arguments supplémentaires pour étayer la thèse du “robot”

Tous les prélèvements et les analyses qui furent faits sur moi à cette époque me confortaient dans l’affirmation que je n’en était pas un (terminé, c’est fini, on n’en parle plus, la question est réglée, on arrête avec ces bêtises)


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15 septembre 2012 6 15 /09 /septembre /2012 09:45

 

La domo, qui grâce au réseau suivait tous mes déplacements et connaissait mes habitudes, sachant mon arrivée proche, avait enclenché la ventilations du studio. Elle avait ensuite réglé la température et l’inclinaison de poursuite solaire des stores-miroirs, sélectionné une musique et un parfum adaptés à mon état.

Mon smarty (comme tous les smartys dignes de ce nom) étant équipé de capteurs biométro-physiologiques - le rendant inviolable et “indérobable” - envoyait un check-up médical à chaque contact.

J’avais fait machinalement mon signe sur la porte d’entrée qui s’était déverrouillée et s’ouvrait sans bruit.

Une odeur de jasmin m’accueillait avec une douce fraîcheur dans une lumière orange printanière.
Dans la salle de bain, la baignoire finissait de se remplir d’une eau bleue et moussante.

“Bonsoir Sian. Vous avez sept nouveaux messages.”

“Tout à l’heure... Dans mon bain”

Je me déshabillais rapidement, balançais mes vêtements et mes chaussures dans le placard-dressing-frigo (en prenant soin de pendre le pantalon et la chemise qui devaient être défroissés)

Puis je me coulais dans un bain très chaud. Il paraît que ça n’est pas bon pour la santé, mais j’adore ça.

Une petite brise venait me caresser de visage. Les quatre murs et le plafond diffusaient “réalité des îles” : le ciel, la mer bleue et son écume blanche sur une plage de sable doré, le soleil, les palmiers bercés par le vent. Le chant des vagues agrémenté de quelques cris d’oiseaux marins achevait de me détendre.

Au bout d’une demi-heure de “détente profonde” la domo m'interpella :

“Vous avez dix nouveaux messages”

Ces immersions me faisaient perdre le fil de la réalité.
Je tentais d’ouvrir les yeux. Les paupières inférieures, lourdes et rigides firent un “clac !” en se dépliant. Je les refermais.
Je restais plongée, l’esprit lointain, dans la ouate des vapeurs cotonneuses. Je n’étais plus ici, sans être vraiment ailleurs.

Il m’arrivait souvent de “partir” ainsi. C’était une sorte de rêve plus ou moins éveillée.
Je commençais par m’oublier et oublier mon corps. Je voyageais ensuite, non pas vers des destinations, mais vers des sentiments, des sensations, des sons, des images, des connaissances qui semblaient être les miennes mais qui, pourtant, m’étaient totalement inconnues. Parfois (mais plus rarement) j’avais l’impression de partager le corps d’une autre personne dans un ailleurs et un autre temps.
Des bribes de vies antérieures ? des visions du futur ? les divagations d’un cerveau malade ?

J’avais fini par me convaincre que ça n’était pas la normalité, à force de rencontrer les réactions sceptiques ou moqueuses de mon entourage : “T’es pas bien finie !”... “Tu devrais voir un psy !”... “Arrête le clech !”... “Si ça se trouve, t’es un robot connecté au réseau !”. Ce à quoi je répondais : “Si ça ce trouve, nous sommes tous connectés au réseau !”... et, curieusement, les rires cessaient.

Mais j’avais repoussé la théorie du “robot”, même si je savais qu’il était possible de construire des androïdes très convaincants ! Je crois que je m’en serais tout de même rendue compte... et les check-up médicaux aussi !

Ces voyages en esprit ne me gênaient pas, au contraire, ils me procuraient un équilibre, un “complément alimentaire” dont je n’imaginais pas pouvoir me passer. Il étaient devenus ma normalité.

J’étais trop bien.
Je ne pouvais me permettre une telle quantité d’eau aussi chaude qu’une seule fois par semaine, et je comptait bien en profiter.

...
Après un deuxième rappel je rouvrais les yeux :

“Oui... Consulter maintenant”


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14 septembre 2012 5 14 /09 /septembre /2012 16:57

 

Les petits déjeuners
de chez tante Louise
me semblaient si lointains !

Nous reprenions le chemin.
la neige crissait sous nos pieds
“Crouik, crouik, crouik...”
J’étais dépitée,
le moral à zéro.

Un animal bizarre
marchait devant.
Il semblait savoir
où nous allions.

Ce n’était pas l’Ipéhem
mais quelque chose de tout aussi effrayant.
Sans doute un autre procès verbal
adapté à la situation ?

Il se retournait souvent
pour voir si nous suivions
et grognait “GraeuArrr !”
lorsque nous ralentissions.

L’inspecteur du bonheur fermait la marche
en envoyant des SMS.

Les vers menottes me serraient fort
et faisaient une tête
jusque par terre.

- Ne m’en veuillez pas !
Je devais m’enfuir !

- Et puis quoi encore ?
A cause de vous
On va finir au cachot,
au pain sec et à l’eau !
On devrait vous excuser ?
- Je l’avais dit que ça finirait mal !
- Non pas le n’exclu dé !

- Allez, quoi, soyez sympas !
Une petite chanson
pour remonter le moral ?

- Mademoiselle, vous nous prenez
pour des trou-vers, c’est insultant !
Ne croyez pas nous re-semer
avec le coup de la chanson !

- Inspecteur ? Nous arrivons bientôt ?

- Oui, nous sommes à deux pas.
Mais, à votre place,
je ne serais pas si pressée !

- Que va-t’il m'arriver ?

“Préparez-vous au pire !
A la citadelle de Mal-En-Rêve
votre avenir expire...”

A deux pas de là
la citadelle apparut.


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10 septembre 2012 1 10 /09 /septembre /2012 20:25

 

- Dans quel état vous êtes-vous mise ! Dans quel état ?
Ne savez-vous pas que personne, m’entendez vous ?
Personne n’échappe à la loi dans cet état ?

Montrez-moi votre carte grise voulez-vous ?

- Ma carte grise ?
Mais, voyons, monsieur l’agent,
je ne roulais pas : Je courrais !

- Exact !
Et vous devez savoir qu’un délit de fuite,
même à pied,
vous retire des points de bonne conduite !
Avez-vous un plombier ?

- Un plombier ?

- Un plombier attitré...
Sans quoi il faudrait
vous en commettre un d’office...
C’est tout bénéfice !

- Bénéfice pour qui?

- Certainement pas pour vous,
Votre cas est désespéré !
Montrez-moi vos mains.

- Clic !
- Crunch !
- Bravo Myon, tu t'améliores !

 


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9 septembre 2012 7 09 /09 /septembre /2012 17:53

 

Je m'apprête à pleurer,

à vider mon coeur dans un papier,

à m’essuyer les yeux,

à me moucher,

lorsque la voix d’Armand me surprend.

 

“Tu nous a fait peur !

Où étais-tu passée ?

On t’a cherchée partout !”

 

"J’étais..." Mais je me tais.

Je ne sais pas où j’étais,

ni si j’y étais.

En fait... J’ai du rêver.

 

Il me prend sur ses épaules

et nous sortons du champ.

Il n’est plus vraiment si grand.

 

Nous montons sur nos vélos

Armand devant, moi au milieu,

Yaya derrière pour surveiller.

 

Mon sourire revient.

Nous roulons longtemps !

Des, chemins, des champs,

des bords de rivière,

des routes et des routes !

Des feux verts, des tournants,

des montées, des descentes !

 

Je freine d’une main

car je tiens, dans l’autre,

un bouquet de pâquerettes

et de boutons d’or.

 

Mais je freine si mal

sur ce gravier tout rond !

Mon vélo dérape, 

je tends la main,

je me rattrape

avec le coude et le genou,

 

je saigne !

et ça fait mal !

 

“Vite !” dit Yaya,

“On doit l’amener voir maman !”

 

“On ne peut pas !” dit Armand,

“Elle nous a dit de rester dehors jusqu’à ce soir !

… Elle veut cirer le lino !”

 

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8 septembre 2012 6 08 /09 /septembre /2012 16:14

 

Le coeur en joie, tripes en liesse
les vers menottes se détricotent
et dansent en remuant les fesses,
le ventre en l’air, leurs pieds gigotent.

Je profite de cet instant
pour les planter sur une haie
Le temps est alors au présent :
Courir, voler, leur échapper !

Je suis cachée...



"Où êtes vous ? Où êtes vous ?"
Cousin Armand passe à côté sans me trouver,
je suis trop bien cachée.

Le temps passe, le temps s'écoule,
Et je n'entends plus aucun bruit.

Les rayons du soleil me parviennent de loin,
Un ciel orange, à l'horizon,
pose un doigt sur mon front.
Mes yeux prennent feu.

Je suis seule, abandonnée,
Dans cet immense champ
je nourris les hannetons.
Yaya n'est plus là et l'arbre est désolé.

"Ils sont partis ? Pourquoi ?
Ils m'ont oubliée !
ils n'ont pas le droit !
que va dire tata Louise ?”



Que vais-je devenir ?


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6 septembre 2012 4 06 /09 /septembre /2012 22:35

Scene 02c

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31 août 2012 5 31 /08 /août /2012 23:08

Si les machines 01

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19 août 2012 7 19 /08 /août /2012 11:15

A mi-chemin de ma descente du un au zéro je ne pouvais m’empêcher de penser à Flamby. Il aurait pu se retrouver aplati ici, livré aux Nozones.

 

Pour pouvoir suppléer aux pannes (très rares) des tubes, des marches étaient disposées en “pas de vis” à l'extérieur et, pour respecter la règle des quatre étages, des paliers “entre deux” permettaient de faire une pause. Ils étaient très spacieux et reliaient, en général, un tube montant à un tube descendant. Il créaient, du même coup, une passerelle intermédiaire de part et d’autre des grands carrefours.

On y trouvait de l’eau courante, parfois des toilettes, des bancs, des zones ombragées et protégées des intempéries. Les plus importants avaient leur propre végétation.

 

Ils étaient les “terrains de jeux” préférés des jeunes (et moins jeunes) des quartiers qui s’y réunissaient en bande, chacune à son heure, pour échapper aux zones imposées, ces “gentils  jardins publics sous les fenêtres des immeubles”, libres de vivre et de “trafiquer”.

 

Certains entre-deux étaient squattés par une seule bande qui y “vivait” à plein temps. Ces squat permanents alimentaient les rivalités inter-gang et donnaient parfois lieu à des combats pour le terrain.

 

On évitait d’emprunter les passerelles en général, et celles-là en particulier.

 

Les “autorités”, loin de fermer les yeux, les gardaient grands ouverts mais laissaient faire. Pendant que les bandes vivaient leurs soif d’indépendance sur les entre-deux, elles ne sévissaient pas ailleurs, et on savait où elles étaient.

 

Cette passerelle-ci était le terrain des Navajos.

 

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